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Les politiques agricoles contemporaines favorisent-elles la sécurité alimentaire dans le monde ?

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Introduction

La sécurité alimentaire a trait à l’un des besoins essentiels de l’humanité et est considérée comme un droit fondamental inscrit par les Nations Unies dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) la définit en ces termes : « La sécurité alimentaire existe lorsque toutes les personnes ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. »
La production agricole sur terre suffirait à nourrir jusqu’à 9 milliards d’entre nous. Pourquoi 842 millions de personnes souffrent actuellement de la faim et 100 000 en meurent chaque jour, tandis que nous sommes à peine plus de 7 milliards ?

Le Projet

Nature de la politique agricole actuelle et enjeux au XXIe siècle

Dans un contexte de pénurie des denrées alimentaires au lendemain de la seconde guerre mondiale, les politiques des pays développés organisent un profond remaniement de leur système agricole. Cette période, de 1960 à 1990, a permis d’augmenter considérablement le rendement des surfaces agricoles en Europe par l’utilisation de nouvelles technologies (mécanisation, irrigation, usage de produits chimiques et sélection de semences à haut rendement). Cette « révolution verte » des pays industrialisés a permis de résoudre en partie les problématiques de la faim dans le monde. En effet, la population mondiale a doublé dans ce laps de temps sans augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim.

Il n’en reste pas moins que 842 millions de personnes sont en insécurité alimentaire. Au XXIe siècles, l’évolution de la démographie mondiale va poser la même problématique qu’au siècle précédent : comment nourrir 4 milliards d’humains supplémentaires ?
Il faut comprendre aussi que les solutions qui ont fonctionné auparavant ne peuvent être à nouveau propices aujourd’hui dans un contexte de réchauffement climatique et de développement durable. On peut même se demander si l’on n’a pas inconsciemment fait reculer de 50 ans le problème au détriment de notre environnement. Le serpent se mort la queue : si l’agriculture moderne porte une grande responsabilité en terme de changement climatique, elle est aussi une des activités humaines la plus influencée par le climat (Yaya & al., 2011). Il est déjà prévu une diminution significative des rendements agricoles dans l’hémisphère sud, zone la plus touchée par l’insécurité alimentaire actuellement. De nombreuses études, basées sur les modèles météorologiques, vont dans ce sens et constatent un impact négatif du changement climatique sur l’agriculture à l’échelle mondiale (Rosenzweig & Hillel, 1998 ; Reddy & Hodges, 2000 ; GIEC, 2007).

La FAO estime que la production agricole doit augmenter de 60% pour satisfaire la population humaine de 2050. Dans ce cas, comment inventer une seconde terre ?
La réduction de la faim dans le monde ne se résoudra pas en augmentant les quantités, mais bel et bien en les distribuant de meilleure manière !
A titre d’exemple, aujourd’hui, 1,5 milliards de personnes sont obèses à travers le monde et 1/3 de la nourriture produite est tout simplement gaspillée.

Les nouveaux facteurs d’insécurité alimentaire

Les agrocarburants

Face à une diminution des ressources fossiles, les agrocarburants semblent être une solution à la transition énergétique pour certains gouvernements. La fermentation de l’amidon (sucres) issu de matières végétales permet d’obtenir de l’éthanol, et remplace le carburant d’origine pétrochimique.
Les avantages écologiques de cette méthode sont de plus en plus nuancés :

  • le rendement énergétique de l’éthanol est gaspilleur (2/3 de la matière initiale deviennent des produits dérivés)
  • il y a un coût écologique à la fabrication par fermentation (eau et chaleur) qui balance le bilan final
  • la combustion de l’éthanol rejette certes moins de CO2 mais plus de dioxyde d’azote, gaz à effet de serre plus néfaste que le premier

L’IFPRI (Institut international de recherche sur les politiques alimentaires) dresse un rapport alarmant sur l’impact économique et environnemental des agrocarburants (Laborde & al., 2014). Si l’idée des agrocarburants à des mérites, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ne sont pas bénéfiques pour tous. Il est établi que l’essor de cette exploitation exerce une pression à la hausse sur les prix des matières premières. En 2007, 1/3 du maïs produit aux USA a été utilisé pour la fabrication d’agrocarburants. En conséquence, le prix du maïs à la tonne a augmenté de 50% dans le monde et a engendré une crise alimentaire notamment au Mexique en 2008 (crise de la tortilla).
Le circuit de fabrication des agrocarburants, souvent subventionné par les états producteurs, déstabilise le marché international des matières premières et sert davantage à faire rouler les voitures des gens aisés qu’a nourrir les plus pauvres.

L’érosion génétique agricole

Les pratiques agricoles contemporaines s’inscrivent dans la continuité de celles de la révolution verte : elles persistent dans l’usage de graines hybrides à haut rendement, et plus récemment des OGM (organismes génétiquement modifiés). Ces semences n’ont pas la capacité de se reproduire et rendent tout simplement l’exploitant agricole dépendant du fournisseur de graines pour chaque nouvelle plantation. Ces cultures sont agencées sur de larges surfaces de façon homogène (monoculture). L’ONU estime que 75% de la diversité agricole a disparu depuis le début du XXe siècle. Il existait 100 espèces de blé différentes en 1950 et seules quelque unes sont cultivées actuellement...Cette érosion génétique concerne l’ensemble des plantes comestibles pour l’Homme, et le phénomène continue de s‘accentuer.

En terme de sécurité alimentaire, ne sélectionner qu’une infime partie de la diversité agricole disponible sur terre et qui plus est, rendre stérile cette sélection afin d’avoir le contrôle sur le marché des graines est un pari complètement fou. Savez-vous qui détient 70% de ce pouvoir ?
10 sociétés...la réalité de la mondialisation est belle et bien là : 4 d’entre elles détiennent plus de 58% du marché mondial des variétés semencières, lesquelles sont toutes protégées par des brevets (Arte futur, 2014a).
Comment peut on considérer que la technologie des OGM contribue à la sécurité alimentaire dans le monde puisque elle rend le paysan totalement dépendant de celle-ci ?
D’autre part, la monoculture de ces semences sur des grands espaces favorise la propagation de maladies et la prolifération de parasites dans les champs. En effet, les individus sont génétiquement tous les mêmes et donc ont les mêmes points faibles. Ces pratiques rendent donc les cultures très fragiles et augmentent les risques de famine. C’est une des raisons pour lesquelles ces cultures nécessitent un épandage de pesticides important.

La qualité sanitaire et nutritive des aliments

D’un point de vue sanitaire, il est reconnu que les produits chimiques tels que les engrais et pesticides sont nocifs à la fois pour l’Homme (cancers, maladies endocriniennes) et pour son environnement (dégradation et appauvrissement du sol, contamination des eaux souterraines, diminution de la biodiversité, désertification,...). Par effet de chaîne, ces perturbations du milieu réduisent globalement la surface de terres arables dans le monde et ainsi renforcent les facteurs de l’insécurité alimentaire.

Si les sélectionneurs de semences ont donné la priorité aux caractéristiques de rendement, de forme et de couleur à nos aliments, ils ont délaissé les critères véritablement essentiels comme la valeur nutritive et le goût ! Votre mère ne vous a jamais dit qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre ? Avec la nature, c’est la même chose...
Des études prouvent que les légumes issus de l’agriculture biologique contiennent plus d’éléments essentiels (vitamines, minéraux, antioxydants, oligo-éléments) que ceux issus de l’agriculture intensive (Johansson & al., 2014). D’autre part, il est reconnu que les carences alimentaires provoquent des maladies, toutes singulières en fonction de la déficience. Il a été prouvé récemment que les allergies et intolérances sont en partie favorisées par une carence en zinc (ARTE Futur, 2014b).

Les échanges internationaux

D’un point de vue social, il est clair que le système du libre-échange ne favorise pas l’équité en terme d’économie agraire. Lorsque 500 entreprises produisent plus de 50% des richesses annuelles mondiales, on peut raisonnablement se demander quel pouvoir décisionnel a la communauté politique face aux décisions de ces géants. Dans cette situation, les inégalités ne peuvent que s’accentuer, les riches devenant encore plus riches et les pauvres s’appauvrissant toujours. D’autre part, l’économie agraire des pays du Sud est déstabilisée par les systèmes agricoles subventionnés du Nord qui proposent des produits moins chers que ceux locaux et qui ont cependant parcouru des milliers de kilomètres (We feed the world, 2007).

Le marché des matières premières est aussi une économie régie par le monde des finances. Une réserve alimentaire mondiale stable doit pouvoir nourrir sa population pour au moins 6 mois de temps. Si elle tombe à deux mois, les prix des matières premières augmentent artificiellement dans les marchés boursiers et cela fragilise davantage la sécurité alimentaire mondiale. En effet, les détenteurs de produits céréaliers jouent la politique de la rareté alimentaire et retiennent les denrées afin de faire fluctuer les prix et spéculer. En 2007, la réserve alimentaire mondiale est tombée à 45 jours.

Pour une sécurité alimentaire durable !

La sécurité alimentaire mondiale diminue au XXIe siècle. Si elle reste intimement liée à la pauvreté, les sociétés occidentales sont dorénavant touchées par l’insécurité alimentaire de par la qualité des aliments mis à leur disposition. Le système agricole moderne a permis une augmentation de la production, mais ne permet pas de nourrir ceux qui ont faim. Issue de la révolution verte, les politiques agricoles contemporaines favorisent toujours l’agriculture intensive et poussent indubitablement les ressources naturelles à la rareté.

Pour toutes ces raisons, l’humanité doit changer son modèle économique et adapter ses modes de production pour un développement durable de la société. L’agroécologie, par exemple, permet de concevoir des systèmes de production plus respectueux de l’environnement. C’est une approche qui privilégie la diversité à l’uniformité, la reproductibilité à la stérilité, l’utilisation de ressources locales plutôt que d’autres importées. D’autre part, l’agroécologie a une dimension sociale : elle tend à améliorer la condition paysanne et favorise l’autonomie du paysan.
Les habitudes alimentaires doivent elles aussi être réadaptées. C’est en consommant des produits sains issus de variétés diversifiées et génétiquement anciennes, plus nutritives d’un point de vue qualitatif, qu’on augmentera la sécurité alimentaire dans le monde. Une agriculture biologique et l’utilisation de semences traditionnelles sont les moyens les plus efficaces pour y parvenir actuellement.
L’enjeu des quarante prochaines années n’est-il pas plus dans la méthode de production de la nourriture que dans la quantité elle-même ?

ARTE Futur, 2014a. Semences : les gardiens de la biodiversité
http://future.arte.tv/fr/semences-l...

ARTE Futur, 2014b. Demain, tous allergiques ?
http://future.arte.tv/fr/demain-tou...

FAO, 2013. L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Rome.
http://www.fao.org/3/a-i3434f.pdf

GIEC/IPCC. 2007. Bilan 2007 des changements climatiques : impact, adaptation et vulnérabilité.
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-r...

Johansson, E., Hussain, A., Kuktaite, R., Andersson, S.C. & M.E. Olsson, 2014. Contribution of organically grown crops to Human health. Int. J. Environ. Res. Public Health 11(4) : 3870-3893.

Laborde, D., Padella, M., Edwards, R., & L. Marelli, 2014. Progress in estimates of Iluc with mirage model. Scientif and policy report. International food and policy research institute (IFPRI).
http://iet.jrc.ec.europa.eu/bf-ca/s...

Reddy, K. R. & R. F. Hodges. 2000. Climate change and global crop productivity. CABI Publishing.

Yaya, H.S. & M. Behnassi, 2011. Changement climatique, crise énergétique et insécurité alimentaire. Presses de l’université Laval.

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