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Quand la complexité reflète la faiblesse

Nouvelle vision de la structure du monde vivant par une approche basé sur l'évolution des espèces. Voir descriptif détaillé

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Introduction

Et oui ! Les petits sont plus forts que les grands, et croyez-moi, cela ne m’est pas facile à dire puisque je mesure 2 mètres… Imaginons une situation fictive mettant en rivalité une cellule animale et une cellule bactérienne. A chances égales, la bactérie aura le dessus. Pourquoi ?

Le Projet

Face à la cruelle mais magnifique Dame Nature, il est indéniable que les espèces qui travaillent en collaboration ont un sérieux avantage en terme d’efficacité et de sécurité. Ne dit-on pas : l’union fait la force ! Mais si nous regardons les organismes sur le plan de l’autonomie et de la résistance par unité de base, cela semble bien être le contraire. La dure réalité, c’est qu’une cellule de notre organisme, isolée (même une cellule souche), ne peut faire le poids face à une bactérie (même la plus inoffensive) dans un environnement étranger aux deux, même riche en éléments de base.

En abordant la question avec l’œil de l’évolution, nous allons décortiquer ici les raisons et mécanismes qui poussent les organismes simples à former des organismes complexes.

Qu’appelons-nous complexité et faiblesse ?

La complexité des organismes représente une notion souvent ambigüe. Nous prendrons ici une définition simplifiée : la complexité fait référence au nombre d’éléments interconnectés nécessaires et suffisants à la survie d’un organisme, celui-ci fonctionnant comme un système biologique de nature hétérogène. Pour faire plus simple, nous considérerons le nombre de cellules qui composent l’individu, ou bien la quantité d’organites présentes dans une cellule. Un éléphant est ainsi plus complexe qu’un vers, lui-même plus complexe qu’une levure, elle-même plus complexe qu’une bactérie.

Il ne s’agit pas ici de traiter la notion du progrès dans le vivant qui, en réalité, fait plus référence à un mythe (Stephen Jay Gould, L’éventail du vivant - Le mythe du progrès, 1996). D’ailleurs des organismes complexes peuvent, par moment, se simplifier. C’est le cas des parasites entre autres, ce qui met ainsi en évidence qu’il n’existe pas de tendance à la complexification, mais simplement qu’une complexification de certains organismes existe, tout comme leur simplification. La question n’est donc pas là, mais peut faire l’objet d’un article ultérieur.

Il s’agit en fait de concevoir différemment les organismes et leur structure. Nous sommes en tant qu’êtres multicellulaires, des écosystèmes de cellules (organismes de base) et de gènes qui unissent leurs forces pour survivre. Dans ce cas, la question qui survient est : un ensemble de cellules représente-t-il encore un organisme ? Nous postulerons ici que oui, mais qu’il s’agira d’un organisme plus complexe. En effet, le destin de chaque cellule est intimement lié à celui de l’organisme complet.

Pour la faiblesse, le terme est un peu fort et représente bien une information relative à prendre avec des pincettes. Elle sera considérée ici comme la combinaison de la vulnérabilité au changement des conditions de l’habitat et de la capacité d’exploitation directe de celui-ci. Par exemple, une espèce qui n’arrive pas à s’acclimater à un changement du milieu sera plus vulnérable. C’est le cas entre autres, des espèces spécialisées sur des gammes étroites de conditions environnementales (sténothermes, sténohalins, etc.). Une espèce qui dans une situation de changement environnemental, se retrouve incapable d’exploiter les ressources disponibles, sera également plus faible. C’est le cas d’une espèce trop spécialisée ou bien d’une espèce prédatrice qui aurait perdu son stock de proies.

Solitude ou coopération ?

Avant d’aller plus loin, posons-nous les questions suivantes : pourquoi les organismes multicellulaires sont apparus (après les unicellulaires) ? Qu’est-ce qui a poussé les cellules à s’assembler et à se spécialiser les unes par rapport aux autres ?

La vérité qu’il nous est peut-être difficile à garder en mémoire lorsque nous étudions la vie, c’est qu’un organisme unicellulaire se suffit à lui-même ! Il peut vivre en colonie avec sa famille, ou isolé, peu importe ! Dans tous les cas il se débrouille seul pour trouver ses ressources et survivre. La coopération est un concept qui lui est inconnu. A l’inverse, un organisme multicellulaire, fait intervenir en son sein une association de compétences pour survivre. Cette coopération reflète au fond, une lacune que seule cette alliance peut pallier.

S’en sortir seul, est alors synonyme de force et ainsi, plus il y a de dépendance, plus cela reflète de lacunes sous-jacentes. Or dans un organisme complexe les cellules sont spécialisées et regroupées en organes, c’est une société hétérogène toute entière qui travaille dans le même sens : le bon fonctionnement de l’ensemble. Un neurone, bien qu’il nous soit très utile, ne saurait survivre seul ! Cela reflète bien la fragilité de ces briques de base si on les considère séparément.

Autotrophie / hétérotrophie

Il existe deux techniques pour trouver et assimiler les ressources nécessaires à la survie. Nous différencions ceux qui peuvent exploiter directement leur milieu, les autotrophes, de ceux qui ne le peuvent pas, les hétérotrophes, qui doivent prélever ces éléments indispensables à leur survie, sur d’autres organismes (prédation, parasitisme etc.).

Il s’avère que les organismes unicellulaires (procaryotes ou eucaryotes) sont majoritairement autotrophes et qu’ils exploitent une variété de ressource bien plus grande que les organismes multicellulaires. En effet, beaucoup absorbent des éléments inorganiques dont nous ne sommes pas capable d’en faire quoi que ce soit par nous-même. Difficile pour nous de vivre sur un rocher mouillé toute notre vie, comme le font certaines bactéries !

A l’inverse, les organismes complexes sont généralement hétérotrophes. En réalité, parmi ceux-ci, seules les plantes sont des autotrophes, mais leurs cellules considérées isolément sont très occasionnellement capables de survivre. Dans ces rares cas, elles se dé-spécialisent pour devenir totipotente et reformer une plante complète. Elles ne survivent donc pas seules.

Pour faire simple, être hétérotrophe, c’est être dépendant. Une bactérie autotrophe par exemple, aime faire sa cuisine elle-même. Du point de vue de cette cuisinière hors pair, la vache hétérotrophe et prédatrice de graminées, équivaut à un individu totalement dépendant aux plats préparés industriellement ! Ainsi l’hétérotrophie des organismes complexes qui les rend dépendant des autres créatures, dénote finalement une lacune dans leurs capacités d’exploitation du milieu qui s’adjoint à leur besoin de structure complexe.

La spécialisation fragilise

Dans la société cellulaire qui constitue l’organisme complexe, chaque cellule est spécialisée. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Par rapport à la cellule œuf ou bien encore à une cellule souche, une cellule spécialisée a abandonné toute une partie de ces compétences pour ne réaliser que celles qu’elle fait le mieux (assimiler le glucose, transmettre un déséquilibre ionique, transporter de l’oxygène, mourir pour la peau, etc.). Donc, en plus de vivre en groupe pour combler des faiblesses, ces cellules sont « volontairement » affaiblies pour être plus efficaces dans des tâches bien précises. C’est peut-être là le secret de la vie complexe et de son intérêt : la fragilité comme moyen d’être plus efficace. Transformer ainsi ses faiblesses en force, voilà probablement ce qui explique une telle cohésion mais aussi le manque de robustesse du neurone isolé.

Il est ainsi difficile de comparer l’efficacité d’un organisme complexe face à un organisme simple. Cependant, les fossiles peuvent nous offrir une information capitale sur la spécialisation, de manière générale, et à l’échelle de l’espèce. En effet, depuis que la vie existe sur Terre, les groupes non spécialisés, dits généralistes, sont toujours ceux qui ont survécus aux catastrophes. Les organismes spécialisés sont systématiquement éradiqués lors des changements environnementaux ou durant les grandes extinctions.

La raison en est très simple. Les organismes de petite taille et qui peuvent exploiter une grande diversité de ressources, ont moins de besoins (en quantité). De plus, en cas de disparition d’une ressource, ils peuvent se rabattre sur une autre. Ainsi la spécialisation d’un organisme représente une fragilité bien que celle-ci puisse présenter une efficacité certaine.

Le succès d’un groupe

Dans un environnement naturel, les contraintes sont ce qui pousse la vie à se diversifier pour survivre. De manière générale, la réussite évolutive d’une espèce ou d’un groupe, se caractérise par son nombre d’individus, sa variabilité (ou sa diversité), sa durée dans le temps et sa capacité à exploiter différents types de ressource. Ainsi, on se dit immédiatement que les organismes unicellulaires gagnent la partie haut la main.

En effet, même s’il est actuellement difficile de donner une fourchette convenable d’estimation du nombre d’espèces chez les bactéries, les archées et les protistes, il est admis qu’en règle générale, les espèces de taille réduite sont plus représentées que celles de grande taille et ce, quel que soit le groupe. Chez les multicellulaires, l’un des exemples les plus flagrants de ce phénomène se trouve bien évidemment chez les insectes. En ce qui concerne les mammifères, les rongeurs dominent largement la diversité. Il existe plusieurs raisons à cela dont la plupart, concernent les équilibres écologiques. Parmi celles-ci, la disponibilité des ressources par individus est fondamentale.

Nous comprenons aisément que lorsque les représentants d’une espèce sont petits, les besoins sont eux aussi réduits, ce qui permet aux populations d’atteindre une limite numérique élevée. Inversement, lorsque dans une espèce les individus sont volumineux, les besoins à acquérir sont en conséquence et la quantité de ressources disponibles définit une limite de population plus faible. Cette question est primordiale car lorsque les populations sont importantes, la variation à l’origine de la diversité l’est aussi. La conséquence à cela réside ensuite dans le nombre d’espèce présente dans le groupe. Ainsi les organismes unicellulaires seraient les champions depuis le début… de la vie !

L’emploi du terme « champion » n’a de sens que si nous considérons une rivalité fictive entre les deux groupes d’organismes, unicellulaires et multicellulaires, ou si nous réalisons simplement le constat de la biodiversité actuelle et passé, largement dominée par le premier groupe, celui des petits organismes. Bien entendu, d’un point de vue évolutif, les seuls champions sont ceux qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui grâce à leurs adaptations, ou pas. Néanmoins, même ce raisonnement présente peu d’intérêt puisque si nous prenions un instantanée du monde vivant à l’époque Eocène, par exemple, rien n’assure que les espèces actuelles puissent survivre aux conditions de l’époque, et inversement.

Extension de l’idée

Néanmoins, la complexité ne s’arrête pas là. Pourquoi ne pas transposer ce raisonnement à l’échelle des populations grégaires comme les fourmis, les abeilles ou encore l’Homme ? Vivre en communauté représente vraisemblablement un niveau supérieur de complexité permettant de pallier un autre genre de lacune.

En effet, chez les fourmis et les abeilles, nous observons également des spécialisations d’individus ! Mais chez ces deux groupes, un autre aspect est également à prendre en compte : la reproduction. D’un point de vue évolutif, une vie est « réussie » si l’individu parvient à survivre jusqu’à pouvoir générer une descendance viable. Or chez les fourmis et les abeilles, la reproduction est une affaire d’élite. Cette observation pourrait constituer le sujet inédit d’un nouvel article de ce genre, sur le parasitisme génétique, stade ultime de la complexité biologique : générer des organismes pour son propre service.

Chez l’Homme maintenant, se dire que nous sommes multicellulaires, c’est déjà une couleuvre à avaler, mais considérer notre société comme un moyen de surpasser nos faiblesses individuelles cela peut en représenter une autre. Oui, peut-être notre espèce fait-elle partie des groupes les plus faibles du monde vivant. Concrètement nous nous en sortons pas si mal, exceptions faite de nos erreurs. La culture ou plus précisément la technique a été d’une grande aide, c’est indéniable. Mais si nous considérons notre espèce du seul point de vue biologique, sans notre technique et notre vie grégaire, que sommes-nous encore capable de faire ? Pourrions-nous survivre dans cette demeure magnifique et cruelle de Dame Nature ? Nous ne sommes après tout, que des éléments minoritaires dans cet écosystème mondial. D’ailleurs si nous pouvons considérer comme organisme unique, un écosystème de cellule, pourrions-nous considérer la biosphère comme un seul et même organisme complexe ?

Conclusion

Dans ce raisonnement que vous avez eu le courage de suivre jusqu’au bout, il ne s’agit pas de juger les espèces complexes comme faibles. Ceci aurait peu d’intérêt puisque ces dernières continuent d’exister et survivent autant que les autres. Non, il s’agit plutôt de mettre en évidence que la coopération biologique à l’échelle cellulaire ou à l’échelle des populations est un mécanisme évolutif secondaire, un mécanisme de fuite évolutive en quelque sorte (car aucune autre alternative, sinon la mort), une astuce pour pallier des faiblesses biologiques sous-jacentes.

Ce sont des révélations sur une vie dominée depuis toujours par les organismes unicellulaires, en tant que mode statistique de la diversité du vivant mais aussi en tant qu’organismes robustes se suffisant à eux-mêmes. Ce dernier aspect, éclairci dans cet article, met peut-être en lumière un trait humain dans la manière dont les scientifiques nomment les grands groupes. En effet, que sont par exemple, les vertébrés supérieurs ? Les végétaux supérieurs ? En quoi sont-ils supérieurs au juste ? Les évolutionnistes ne considèrent aucune espèce supérieure à une autre, c’est vrai. Mais cette dénomination encore présente, révèle-t-elle les derniers résidus d’anthropocentrisme qui traînent encore dans la science ?

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