Envoyer à un ami

Archéologie : Le temps des hommes, les hommes et le temps

Voir descriptif détaillé

Archéologie : Le temps des hommes, les hommes et le temps

Voir descriptif détaillé

Menez à bien d'incroyables projets scientifiques !
Des voyages scientifiques qui changent le monde
Des aventures hors du commun, des projets réels pour le développement durable

Accueil > Nos Actions > Références & Supports > Articles scientifiques et petits essais > Archéologie et paléontologie > Archéologie : Le temps des hommes, les hommes et le temps

Je m'inscris

Ajouter à ma liste de souhait

Introduction

Texte d’introduction rédigé par Marine LECHENAULT

Le Projet

Le temps des hommes, les hommes et le temps

L’archéologie est une science plutôt jeune, élaborée dans ses fondements depuis le XVIIIe siècle, et qui connut jusqu’à présent une évolution aussi mouvementée que radicale. Certes, les hommes des temps modernes ne furent pas les premiers à se pencher sur le passé ; le prince Khâemouaset, l’un des nombreux fils de Ramsès II, s’adonnait déjà à la restauration ainsi qu’à des activités qu’on pourrait sans mal qualifier... d’archéologiques ! de même, le puits de science grec Hippias nous confie que lorsqu’il se rend à Sparte, ses austères habitants ne goûtent rien à son discours, mis à part l’histoire et la généalogie, ce pour quoi ils conçoivent une véritable passion. D’une culture à une autre, des mythes retracent les origines de l’homme, des pleurs du Dieu Soleil Egyptien Râ à un oeuf gigantesque chez les Incas, jusqu’au geste créateur de Dieu pour les Chrétiens. Dès le Haut Moyen-Âge, la pensée chrétienne n’admet aucune différence entre histoire évènementielle et histoire sainte : tout commença par la Création, et tout s’achèvera avec le retour du Messie, la Seconde Parousie, où les Justes intégreront la Jérusalem Céleste et où les Maudits connaîtront une damnation éternelle. Seuls ces deux instants structurent fondamentalement le temps des humains sur la terre. Le premier homme est Adam, et supposer l’existence de populations antédiluviennes tient davantage de la plus totale absurdité que du réel blasphème. Les objets qui sortent parfois de terre, par exemple lors de creusements de fondations, sont interprétés comme spontanément conçus par elle. Or, il ne peut y avoir d’ « Histoire » que si l’on distingue les choses d’ici bas de celles de la Foi. On comprend, dès lors, le long et laborieux cheminement intellectuel et métaphysique qu’il a fallu parcourir jusqu’à l’archéologie d’aujourd’hui.

Psychanalyse d’un fouet et d’un chapeau

Faisons le test : promenons-nous en ville et demandons aux passants des noms d’archéologues. Ce cher Schliemann, passionné par Troie et instigateur des recherches sur Mycènes, n’a pas tant à rougir de son score, de même qu’ H. Carter, immortalisé par la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922. Suivent quelques préhistoriens, menés par Y. Coppens ou A. Leroi-Gourhan... mais n’en déplaise à tout ce beau monde, il ne s’agit là que d’une minorité. En vérité, deux noms submergent les esprits de nos concitoyens en matière d’archéologie : Indiana Jones et Lara Croft. Faut-il en rire ou en pleurer, là n’est pas la question ; penchons-nous plutôt sur les symboliques de ces icônes : d’abord, tous deux brillent par leur intelligence, leur aptitude à voir un passage secret oublié à travers le montant d’une cheminée, là où d’autres ne remarqueraient rien, même en passant cent fois devant. Il faut le reconnaître, il n’y a qu’un archéologue pour traverser un champ en labours, repérer l’éclat de silex informe ou le tesson mal cuit, pour expliquer qu’il s’agit là d’un racloir moustérien ou d’une imitation maladroite de céramique sigilée (vaisselle de luxe romaine). Deuxièmement, ils flirtent tous deux avec la mort et l’infréquentable ; tandis que l’une continue sa route (là où son guide Egyptien ne veut plus la suivre) au plus profond d’un tombeau, poursuivie par des bataillons de squelettes et autres esprits maléfiques (spéciale dédicace aux joueurs : à la fin du IV on affronte carrément le dieu Seth en personne !!), l’autre réactive par mégarde le piège d’une chambre secrète et en voit les murs se rapprocher dangereusement ! de toute évidence, notre archéologue fourre son nez dans quelque chose qu’il vaudrait mieux ne pas déranger : mort, pensées magico-religieuses des Anciens... tout se dresse sur son passage pour l’empêcher de progresser vers... on ne sait quoi, le Saint des Saints... tout cela dans un cadre exotique et dépaysant. Car l’archéologie, croit-on, c’est forcément loin d’ici ; c’est partir à l’autre bout du monde, en Egypte, au Pérou, en Inde, voire en Atlantide ! « enfin, que peut-il y avoir de bien intéressant dans le Poitou ou en Auvergne ?! »... l’archéologue (du moins le gentil archéologue) sait par ailleurs détecter la vraie valeur des choses, au delà des monceaux d’or et d’argent qu’il côtoie dans ses aventures. Crapahuter aux quatre coins du monde, braver tous les dangers, oui, mais dans un but ultime : la connaissance et la transmission du passé des hommes. « Sa place est dans un musée ! », s’indigne le Dr Jones à propos d’une ancestrale relique convoitée par l’ennemi. Sans parler des hordes de mafieux qui concurrencent sa consoeur Miss Croft dans la course à l’artefact sacré. Au final, ce goût pour la science à tendance à faire de notre homme (ou femme) un savant distrait, négligeant parfois ses relations sociales, ou prêt à vendre père et mère pour un vase attique. Voilà l’archéologue de l’imaginaire collectif.

La vie d’un chantier

Si certains de ces traits, comme tout cliché, sont issus de réalités, il ne m’arrive que rarement, au demeurant, de fouiller avec une paire de 9mm à la ceinture. Il existe plusieurs façons d’approcher une science : son histoire, sa philosophie, ou encore l’épistémologie. Quelle que soit l’époque, le questionnement persiste : d’où venons-nous ? qui sommes-nous ? c’est à présent vers la science que nous nous tournons pour y apporter des éléments de réponses. Cela se traduit par l’établissement de règles de conduite, de normes à respecter dans la pratique de sciences, pour une plus grande clarté d’approche ainsi qu’une objectivité, utopique mais du moins optimale. En archéologie, cela passe par la mise sur pied de plans orientés, suivant un carroyage précis, la numérotation des couches et des vestiges qui s’y rapportent, le travail de rattacher un artefact à une typologie afin de le caractériser au sein d’une culture et de le ranger dans une chronologie (relative ou absolue, la chronologie est au coeur du travail de l’archéologue). Trois mots d’ordre : stratigraphie, typologie, technologie. Le but : tirer d’un site le maximum de données exploitables, aujourd’hui comme demain, même (et surtout) par d’autres chercheurs.
Il serait absurde de réduire l’archéologie à la fouille ; au delà du chantier, il existe un important travail de traitement des données émises lors de ces chantiers, des recherches en bibliothèque, en laboratoire, en réserves de musées... On a connaissance d’un site par des sources écrites, orales, graphiques, ou par le terrain lui-même ; chaque année, les Services Régionaux d’Archéologie (S.R.A.) organisent des opérations de prospection visant à compléter la carte archéologique d’un secteur, les sites mis en lumière ne faisant que rarement l’objet de fouilles ultérieures. Les fouilles « programmées » (l’été le plus souvent, avec un personnel étudiant pour la plus grosse part) restent largement minoritaires : en France l’essentiel de l’activité archéologique est produite par l’Institut National de Recherches en Archéologie Préventive (INRAP) et ses fouilles de sauvetage ; comme son nom l’indique, cet organisme intervient sur des sites condamnés à disparaître, dans le cas de travaux par exemple. Il s’agit alors de développer les stratégies de fouilles les plus efficaces et les mieux adaptées. Comme ils prennent souvent place à l’intérieur des villes, ces éprouvants chantiers où temps et argent sont comptés peuvent se dérouler sous les yeux intrigués des passants.
« Fouiller c’est détruire », disait A. Leroi-Gourhan. Cela signifie que, la fouille consistant en enlèvements successifs de couches (ou US, Unités Stratigraphiques), si l’information n’est pas traitée et enregistrée de manière convenable, elle est perdue. Pas de seconde chance. D’où l’importance d’adopter une stratégie de fouilles pertinente, suivant une problématique bien définie : quelles sont les différentes phases d’aménagement de ce bâtiment ? quelle type d’occupation pour ce campement ? quels modes funéraires pour cette nécropole ?... sur le chantier, on utilise divers outils, de la pelleteuse au scalpel en passage par la truelle ou la pioche ; avoir « le sens du terrain », c’est comprendre les nuances entre les US, l’agencement des structures entre elles, savoir ce qu’il faut mettre en évidence en fouillant... une affaire bien plus complexe qu’il n’y paraît, et nombreux sont les excellents chercheurs qui ne saisissent pas toutes les subtilités du terrain. Là encore, pas de formule miracle, même si le bon sens joue un grand rôle. Par ces aspects techniques, qui peuvent sembler rébarbatifs, on est bien loin de Miss Croft.

Traitement des données et pluridisciplinarité

Si hier, une regrettable hiérarchie régissait le monde des sciences, aujourd’hui le dialogue s’instaure de plus en plus entre les disciplines ; jadis jettés, les échantillons de bois sont désormais dateurs potentiels, à l’aide du Carbone 14 mais surtout de la dendrochronologie. Ainsi, l’archéométrie recouvrent les questions de datations. La géologie est devenue indispensable aux recherches en préhistoire, l’archéozoologie connaît un véritable essor... sans compter la céramologie, qui étudie ce matériel « emblématique », quasiment indestructible, éventuellement dateur, qu’est la céramique. Des sciences dures, mais aussi des sciences humaines, au service de la recherche : philologie, histoire, sociologie, psychologie... pour de nouvelles optiques, de nouvelles problématiques qui jaillissent. Régime alimentaire, circulation des matériaux, histoire des mentalités... en termes de formations, cela signifie qu’on peut intégrer le milieu quelle que soit sa sensibilité, littéraire ou scientifique.
L’informatique vient de plus en plus au secours de l’archéologue, de la gestion de la fouille jusqu’à la publication. « Publish or perish », comme disent nos collègues Britanniques. Publier pour un public d’étudiants, de chercheurs, mais aussi de « profanes » ! Par ailleurs, l’infographie, la maquette, l’archéologie expérimentale, la muséographie, ont la capacité de servir d’instruments de travail et de communication faciles d’accès. Toutes ces voies sont à explorer davantage dans les années à venir.

Etude du passé : perspectives pour l’avenir

Pour parler globalement, le futur verra premièrement le traitement de l’information emmagazinée, résultat des multiples opérations archéologiques menées chaque année ; il faut le temps et l’argent d’étudier les monceaux de mobilier et autres structures qu’on met au jour dans le but de restituer l’histoire d’un site. Mais au-delà du sit, on veut aujourd’hui cerner un panorama plus large, suivant des problématiques qui touchent souvent aux questions du peuplement, des échanges, de la production... on pense les interractions de l’homme avec son milieu. Le contexte actuel fait qu’un choix est désormais de mise en archéologie : quoi fouiller, de quel oeil considérer le gisement, quel aspect aborder en priorité... On a vu que la discipline se situait à la croisée des sciences exactes, humaines et sociales ; la programmation de la recherche impliquera une orientation, une sélection. Comme « tout se tient » et que le morcellement du sujet d’étude (aspect funéraire, religieux, commercial...) n’intervient que pour clarifier celle-ci, il s’agit de « sortir d’une logique de sites pour appréhender la dynamique des espaces et les réseaux qui le structurent » (voir les Nouvelles de l’Archéologie 93, 2003). En bref, vers une « archéogéographie ». Pensons enfin que demain les recherches seront sans doute effectuées de manière plus efficace, avec d’autres champs et moyens d’étude. Il faut donc sauvegarder l’information au mieux pour prévoir une exploitation améliorée dans le futur. Ainsi, certains archéologues tardent à publier le résultat de leurs fouilles ; il vaut pourtant mieux donner à voir quelque chose qu’on sait imcomplet, car nulle fouille n’est « parfaite » ou « totale », et qu’un bon plan orienté, une planche de céramiques normalisée, traverseront toujours le temps. Un dialogue entre les différentes instances décidant de la programmation (SRA, CNRA, Ministère...) est souhaitable, pour toute ces raisons. La sensibilisation du public de tous âges face à l’archéologie, l’essor de la communication, caractériseront également le début u XXIe siècle.

En guise de conclusion

On a pu voir que l’archéologie, depuis la moitié du XXe siècle surtout, et telle que nous la concevons aujourd’hui se trouve régie par des normes précises, pour une exploitation optimale des données produites par le terrain. La hiérarchie qui régnait au sein des sciences tend heureusement à s’estomper au profit d’une approche pluridisciplinaire, créant des portes et des dialogues entre les domaines d’études. On peut se féliciter de cet état d’esprit productif. Au final, on comprend que cette archéologie du spectaculaire dont je parlais ci-avant est fortement minoritaire : on ne rencontre pas tous les jours des tombeaux tels que celui du premier empereur Chinois, ni des cités ensevelies comparables à Pompéi ! mais il n’en est pas moins vrai qu’on ne recherche pas des surhommes, des Atlantes, et qu’on n’a pas besoin de cela pour aimer son travail. Je me souviens de mes premières fouilles, une maison forte médiévale dans la Vienne. Je me rappelle aussi de ce site moustérien charentais, et que dire de ce quartier artisanal gallo-romain fouillé l’été dernier...! mon état d’esprit sur un chantier ? curieuse de tout, appliquée, et surtout profondément heureuse. Comme lorqu’on parle à des enfants ou à des adultes de ce q’on fait, car comment concevoir l’archéologie hors d’une dynamique de communication ? C’est aussi l’occasion, outre l’aspect scientifique, de mûrir son contact avec les autres, de faire abstraction de sa fatigue personnelle par souci d’autrui, d’apprendre à écouter. Donc, si j’ai appris quelque chose, c’est bien que l’archéologie ne se conçoit pas au singulier. Non, décidément, je fais vraiment des études pasionnantes... mais si seulement ces squelettes voulaient bien me laisser tranquille lorsque je rentre chez moi le soir...*

Un peu de lectures

- DEMOULE J.-C, CILIGNY F., LEHÖERFF A., SCHNAPP A., Guide des méthodes en archéologie, coll. Repères, éd. La Découverte, Paris, 2002.

- DJINDJIAN F., GARDIN J.-C., Méthodes pour l’archéologie, coll. U Archéologie, éd. Armand Colin, Paris, 1991.

- VOIR AUSSI :

  • Le Que sais-je ? sur L’Archéologie
  • les notices de Philippe JOCKEY sur le sujet.

Nos partenaires

Voir également